Classes bilangues et bilinguisme

9 février 2016

Najat Vallaud-Belkacem fait du rétropédalage dans l’enseignement de l’allemand : état des lieux.

Fin de l’école des élites et suppression des classes européennes et bilingues !”, lançait un temps la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem. Rabrouée même par les membres du parti socialiste, elle a tenté de se justifier en faisant appel à une contradiction : “Oui” elle veut toujours supprimer les classes bilangues qui permettent de contourner la carte scolaire et “non” elle ne veut pas supprimer les classes bilangues de continuité, c’est-à-dire celles qui permettent à un élève de poursuivre au collège l’apprentissage d’une autre langue que l’anglais. Comprenne qui pourra. Dans les faits, rien ne va finalement changer. Ce n’était qu’un “coup politique” pour rassurer les militants à la gauche du PS.

La ministre prévoyait donc de supprimer les classes bilangues et européennes. Dans les faits, c’était là un coup de grâce à l’allemand, langue déjà très mal parlée par les Français. Devant le tollé généré par cette mesure jugée doctrinaire et issue d’une vision bêtement idéologique “anti-élitiste” propice à fédérer l’aile gauche du PS, la ministre de l’Education a donc finalement fait marche arrière quelques semaines après son annonce en assurant que les classes bilangues seront bien maintenues ; tout au moins au moins 70 % d’entre elles.

La voie est-mosellane

Loin des bidouillages de basse politique, en Moselle, l’Education nationale a développé des sites V.S.M. (Voie Spécifique Mosellane), remplacés depuis par le Dispositif d’Enseignement Approfondi de l’Allemand (DEAA), qui correspondent à quelques heures d’allemand par semaine. C’est largement insuffisant pour permettre aux enfants de devenir bilingues. Pourtant, depuis 1997, il existe à Sarreguemines deux sites bilingues paritaires offrant 13 heures en français et 13 heures en allemand, gérés par ABCM-Zweisprachigkeit (l’école ABCM de la Blies et l’école ABCM Beausoleil). Ces sites ont été ouverts avec le soutien financier de la ville de Sarreguemines suite à un refus en 1997 de l’Education nationale d’ouvrir des sites bilingues paritaires publics. Toutefois, l’apprentissage de la langue du voisin se réduit comme peau de chagrin en Moselle. Malgré l’absence de volonté politique commune des collectivités territoriales, la Moselle-Est tire malgré-tout son épingle du jeu mais de façon isolée. Les trois seules écoles élémentaires à parité horaire du département se trouvent à Sarreguemines et une formation franco-allemande s’ouvre au sein de l’école de la seconde chance à Forbach.

Selon Martine Wendels, directrice de la “Sonnenschule” de Sarreguemines, il y a dans son établissement 20 à 30 % d’élèves allemands, 10 à 15 % dont les parents sont franco-allemands et 5 % qui tendent vers le trilinguisme par leurs origines turque, thaïlandaise ou bosniaque. Le reste des enfants est francophone. Dès la première section de l’école maternelle, les langues française et allemande y sont apprises en même temps, comme deux langues maternelles. En primaire, l’allemand introduit l’écriture en script par lettres détachées et typographiques, et le français de manière cursive attachées. Si les mathématiques s’enseignent en allemand jusqu’au CM2, d’autres matières comme l’histoire-géographie sont dispensées à parité.

En attente d’une stratégie

La Moselle-Est, reste décidément la pointe de l’épée dans le cursus bilingue du département auquel s’ajoute heureusement le cursus franco-allemand au sein de l’école de la deuxième chance de Forbach, en partenariat avec son homologue “Tüv Nord Bildung” de Volklingen. Les outils se développent donc lentement et de façon disjointe. Face à cela, la “Stratégie France”, développée par le gouvernement de la Sarre sous la direction de sa ministre-présidente Annegret Kramp-Karrenbauer, constitue le projet franco-allemand le plus ambitieux de ces dernières années. Ainsi, le gouvernement sarrois a formulé le projet d’instaurer la langue française, d‘ici 2043, comme deuxième langue officielle en Sarre. Côté français, on installe une “stratégie allemande” qui reste une pâle copie édulcorée qui demande encore à être validée par la sphère politique lorraine. Ceci générant le risque de voir l’espace frontalier perdre la capacité d’échanger avec le voisin proche. Les Allemands vont-ils devenir des étrangers pour les Lorrains ? C’est un risque.

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En France

Au niveau académique en France, les régions du grand Est (Alsace, lorraine, Franche-Comté et Champagne-Ardenne) s’individualisent par un apprentissage de l’allemand plus important qu’ailleurs dans le pays. En 2000-2001, on dénombre ainsi 46 % de germanistes en première langue vivante dans le second degré au sein de l’académie de Strasbourg, 29 % dans l’académie de Nancy-Metz et respectivement 15 et 17 % dans les académies de Reims et de Besançon pour une moyenne nationale de 9,4 %. À l’échelle du grand Est, on peut mettre en évidence le comportement très spécifique des trois départements frontaliers : le Bas-Rhin, le Haut-Rhin ainsi que la Moselle. Cette échelle d’analyse permet également de mettre en évidence un véritable gradient avec une décroissance progressive de l’intensité de l’apprentissage de l’allemand avec l’éloignement à la frontière politique.

 

© photo de “Une” : Jean-Pierre Cour

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