Musée de la Cour d’Or : créer malgré tout, en Irak

14 avril 2016

Le musée de la Cour d’Or de Metz expose des artistes contemporains irakiens du 21 avril au 18 juillet.

METZ – Des peintres, des sculpteurs, des céramistes, des graveurs, des calligraphes et des photographes irakiens vont présenter pour la première fois 80 de leurs œuvres contemporaines, non pas chez des galeristes occidentaux, mais dans un musée occidental, à Metz, au sein de l’exposition : “Irak, créer malgré tout”. Depuis plus de 25 ans, l’Irak implose sous les guerres successives. Ces conflits enterrent l’art contemporain victime lui aussi de ces bouleversements. Pays historiquement de culture, c’est une contrée où actuellement la survie prime tout. Dès lors, comment exister en tant qu’artiste contemporain ? C’est un sujet décalé dans lequel s’engagent le journaliste-reporter Dominique Hennequin et Philippe Brunella, directeur du musée de la Cour d’Or et archéologue de formation. L’idée de cette exposition sur l’art irakien contemporain est née à l’occasion d’une rencontre à Bagdad entre les peintres Qasim Sabti, Ahmed Nussaif et le journaliste qui réalisait alors un reportage sur la guerre pour la chaine Arte.

Ne pas éteindre la flamme de l’humain

Du fait de ces conflits incessants dans cette partie du monde, l’art irakien est très mal connu au plan international. Riche d’une longue histoire, l’art irakien est aujourd’hui castré par le climat conflictuel récurent dans cette partie du monde. Pourtant, les créateurs n’ont pas disparus et n’ont pas tous pris le chemin de l’exil. Mais pour cela, ils travaillent ici dans un climat matériel et moral très précaire. Sur place, les possibilités d’exposition sont quasi nulles. “Effacer le mythe ou l’art”, écrit le poète oriental Adonis, “c’est éteindre la flamme de l’humain”.

C’est donc pour combattre une sorte d’obscurité, parfois même d’obscurantisme, que le musée de la Cour d’Or se propose, du 21 avril au 18 juillet prochain, de présenter 28 artistes irakiens contemporains. Cette très rare et exceptionnelle exposition peut se réaliser aujourd’hui grâce aux concours des ambassades de France à Bagdad et celle d’Irak à Paris, de Metz-Métropole et de la chaine Arte. Deux films de 8 mn de Dominique Hennequin, montrent au sein de l’exposition, les conditions de vie au quotidien des artistes exposés.

Un certain regard, incertains regards

Certains artistes, comme le peintre Mahmood, expriment dans leurs œuvres le chaos et la violence. D’autres, comme la peintre Yusra Al-Abadi, invente des mondes flottants, refuge d’innocence, comme pour se protéger d’une réalité brutale. Témoin de l’Irak d’antan, le photographe Lateef-Al-Ani, offre lui une vision historique des temps qui ne sont plus. De son côté, Shakir Hassan, considéré comme le père de l’art moderne irakien (avec Jawad Selim et Faïq Hassan), ouvrent au travers de leurs œuvres une synthèse et un pont entre art oriental et art occidental. Quatre artistes, Qasim Sabti, Yusra Abadi, Saad Altai et Maher Samarae, scéramistes, seront à Metz à l’occasion de rencontres organisées par le musée en coopération avec la manifestation des 22-23-24 avril : “Le Livre à Metz / Littérature et Journalisme”. Des sculptures de Qasim Sabti, Ysra Abadi, Saad Altai et Maher Samarae seront d’ailleurs aussi présentes au sein de l’exposition.

Jean-Pierre COUR

Photographie : Philippe Brunella

Encore vivant !

Pour Qasim Sabti, président de la société des artistes plasticiens irakien et présent à Metz : “Comment ceux qui vivent au centre de l’enfer peuvent-ils créer ? Pouvons-nous encore exprimer nos talents malgré les drames sanglants du quotidien ? A vrai dire, nous sommes chanceux d’être encore vivant ! Certains à Bagdad nous blâment. Aujourd’hui, la grande et très ancienne civilisation irakienne en vient tristement à constater que l’art est un péché pour certains groupes religieux… Quel paradoxe ! La seule fenêtre que nous luttons à maintenir ouverte est celle de l’art… Une exposition à Bagdad nous fait prendre un risque énorme ; celui d’avoir un terroriste parmi les visiteurs. C’est un cauchemar… Notre présence en France, parmi vous, est notre façon de saluer le courage des Français contre le terrorisme et de rendre hommage aux âmes des victimes tout en exprimant notre profonde solidarité avec la France, symbole pour nous et pour le monde entier de la liberté, de la lumière, de l’amour et de la vie”.

J-P.C

Les commentaires sont fermés.