A Pompidou/Metz : La musique adoucit les couleurs

22 avril 2016

Pourquoi et comment la sculpture, la peinture, l’art en général, participe et nait de (et avec) la musique ?

METZ – Le centre Pompidou de Metz offre à partir du 20 avril aux visiteurs une exposition : “Musicircus” jusqu’au 17 juillet de cette année. “Vous “entendez” la couleur et vous “voyez” le son”. À travers ces mots, Vassily Kandinsky révèle son credo sur les étroites résonances entre les arts. Cette phrase de l’artiste synthétise l’exposition de Metz. Ici, des artistes comme Marcel Duchamp, des peintres comme Vassily Kandinsky, mais aussi Marc Chagall, Frantisek Kupka, ou encore le sculpteur Alexander Calder ou Nicolas Schöffler mélangent, malaxent et s’imprègnent de la musique pour combiner des résonnances sonores avec leurs œuvres.

L’art contemporain que l’on pense toujours mono-orienté est ici, en fait, présenté de façon à faire comprendre que toutes les combinaisons artistiques peuvent se mélanger, s’inspirer, s’animer à partir de plusieurs sources. Ceci est d’autant plus vrai avec les artistes plasticiens qui, ici dans cette présentation, s’inspirent de la musique pour donner des œuvres graphiques étonnantes qui firent leur renommée. Ainsi, et par exemple, le peintre Kandinsky profite en Allemagne du mouvement Bauhaus et de la musique de l’époque pour en tirer des toiles où il tente de représenter de façon picturale la musique et tout à la fois l’émotion qu’elle transporte. Il créer une liaison entre le trait et le son. En échos, le compositeur Igor Stravinsky disait, lui aussi : “Il n’est pas suffisant d’entendre la musique, il faut aussi la voir !”. C’est ici tout à fait ce que réalise le centre Pompidou de Metz au sein de cette exposition : Magicircus”.

L’art est socialité

Le parcours “Musicircus” est composé à partir d’œuvres phares de la collection du Centre Pompidou de Paris et rend perceptibles par le visiteur ces échos et influences de ces œuvres qui investissent tout autant l’espace que le temps. On découvre alors, en se fondant dans les coulisses de la naissance de l’abstraction, les enjeux de la création contemporaine. Le Centre Pompidou-Metz devient alors aujourd’hui une salle de concert, au sein de laquelle les œuvres d’art entrent en correspondance avec une riche programmation associée.

“L’art, plutôt que quelque chose fait par une seule personne, est un processus mis en mouvement par un groupe. L’art est socialité”. Assure Emma Lavigne, directrice de Pompidou et tout à la fois commissaire de l’exposition. Elle poursuit : “À l’image d’un ensemble de musique, c’est bien l’être ensemble qui est en jeu, la musique devenant, dans son dialogue avec l’art, une forme essentielle du partage du sensible”.

Jean-Pierre COUR

 

Le clavecin oculaire

La fertilité de ses réflexions sur le mélange visuel et musical trouve également de multiples échos dans les innovations techniques de l’époque, qui permettent l’entrée en jeu de la lumière dans la quête de visions sonores. Dans cette perspective, Vladimir Baranov-Rossiné rend visible le son grâce à la mise au point du clavecin oculaire. Les ballets lumineux déployés lors de ses concerts “optophoniques” amorcent la révolution du cinéma abstrait sonore, conduite par Oskar Fischinger dans les années 1930. Sur la voie de l’abstraction, les musiciens klezmer de Marc Chagall nous accompagnent au rythme du violon.

Un bruit de machine

<<Ce que j’ai cherché dans la locomotive Pacific, ce n’est pas l’imitation des bruits de la locomotive, mais la traduction d’une impression visuelle et d’une jouissance physique par une construction musicale. Elle part de la contemplation objective : la tranquille respiration de la machine au repos, l’effort du démarrage, puis l’accroissement progressif de la vitesse, pour aboutir à “l’état lyrique”, au pathétique du train de 300 tonnes lancé en pleine nuit à 120 à l’heure. Comme “sujet”, j’ai choisi la locomotive de type “Pacific” pour trains lourds de grande vitesse>>. C’est ainsi qu’Arthur Honegger décrit son poème symphonique, composé en 1923 pour accompagner le film La Roue, d’Abel Gance. L’engrenage infernal suggéré par la musique urbaniste de Honegger se retrouve en 1930 dans la toile Musique de František Kupka, qui dépeint divers rouages et bielles entremêlés, simulant la mise en mouvement de la roue centrale. Cette œuvre conclut la série machiniste de l’artiste et ouvre la voie des études autour du jazz, compositions syncopées reprenant un rythme saccadé.

 

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