Grand-Est : Pas d’audit mais des contraintes

28 avril 2016

Le Grand-Est se met en ordre de bataille… mais sans vouloir heurter personne

METZ – La gestion qualifiée parfois “d’extravagante” de la région Poitou-Charente par les opposants de Ségolène Royale, par effet domino, pousse à s’interroger de savoir si un ou des audit(s) pourrai(en)t voir le jour dans les trois anciennes régions qui forment aujourd’hui la région Grand-Est, soit l’Alsace, la Champagne-Ardenne et la Lorraine. Selon la Cour régionale des Comptes habilité à cela, “ce n’est pas à l’ordre du jour”. La Cour régionale et territoriale des comptes (CRTC) est une juridiction indépendante des institutions de la République. Elles sont en tout au nombre de 15 en métropole et 25 en comptant l’outre-mer.

Sentinelles des finances publiques locales, elles vérifient la régularité, la probité et la fiabilité des comptes publics. Bref, leur rôle est de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’informer les citoyens. A ce jour, le président de la Chambre régionale des comptes du Grand-Est, Dominique Rogues, par ailleurs conseiller référendaire à la Cour des Comptes nous assure : “Pour l’instant, je n’ai pas entendu parler d’une demande d’audit de la région ou venant de la part de l’une des trois anciennes régions. Mais certains magistrats peuvent s’autosaisir d’un dossier et celui-ci reste confidentiel tant qu’aucune procédure n’est engagée”. Du côté de la région, même message. “Pas d’audit demandé ou en vue !“, dixit Gaëlle Tortil-Texier, du service de presse du Grand-Est après consultation auprès du cabinet du président.

Le poids de l’air

La question pouvait effectivement se poser, par exemple, sur le dossier de l’aéroport Lorraine-AirPort, anciennement Metz-Nancy-Lorraine, qui vient de rouvrir ses pistes après travaux. Lors de l’inauguration, suite à une question posée par nous, Philippe Richert, président de région, nous assurait : “Nous voulons pérenniser cet aéroport. La direction reste aujourd’hui aux mains de Françoise Herment. Par contre, l’aérodrome de Chambley, en Meurthe-et-Moselle, sort de la coupe et responsabilité de Lorraine-AirPort pour être mis directement sous ma responsabilité”. La question de la direction de Lorraine-AirPort se posait du fait de la proximité entre l’ancien président socialiste de région lorraine, J-Pierre Masseret, et la directrice mise à ce poste par lui. Autre sujet de recadrage, le “Mondial Air Ballons” qui se déroule tous les deux ans à Chambley. Là encore, la région poursuivra son aide financière, mais il est demandé aux organisateurs d’améliorer la rentabilité de cette biennale.

2,5 milliards de budget

Aujourd’hui, pour en revenir à la Cour des Comptes, cette dernière analyse en permanence la gestion des 2,5 milliards d’euros du budget de la région Grand-Est. La chose est également complexe puisque les nouveaux conseillers de la grande région formée par la fusion régionale s’interrogent encore sur la destination de cet argent dépensé en direction des 5,5 millions d’habitants de cette nouvelle espace. Ce qui est déjà calibré, c’est qu’une bonne partie du budget est déjà consacré aux trains express régionaux (TER) pour 600 millions d’euros. Après l’Île-de-France, le Grand-Est est la région qui fait le plus circuler de trains : 1 650 par jour pour 165 000 trajets quotidiens. L’autre “cœur de métier” de la région est l’emploi et la formation. Ici, Philippe Richert a demandé plus de moyens et plus d’autonomie à l’État qui s’est dit, pour l’instant, plutôt d’accord, mais dans le cadre d’une simple expérimentation. Cela en sachant, de surcroît, que Philippe Richert, dans son ancienne fonction de président de la région Alsace, était régulièrement critiqué pour sa politique de saupoudrage qui visait à soutenir, au coup par coup, les sociétés qui en faisaient la demande.

Eviter la fracturation

L’assemblée du Grand-Est, lors de la prochaine plénière du 29 avril, devra ici présenter ses choix. Là encore les choses ne seront pas simples non plus car de l’avis de nombreux fonctionnaires territoriaux, les élus ont encore du mal à prendre la dimension de leurs responsabilités. Voire, ne connaissent pas très bien les limites de leurs postes et fonctions. S’ajoute à cela que les choix d’orientation vont devoir différer d’un territoire à l’autre. En effet, les dynamiques alsaciennes que sont l’industrie, les biotechnologies, par exemple, sont très éloignées de celles de la Champagne-Ardenne plus enclines à favoriser le monde agricole. La région Grand-Est possède aussi maintenant la compétence du “développement économique”, possédée précédemment par les départements, mais reste aujourd’hui à savoir ce qu’elle va véritablement en faire sur des territoires aussi hétérogènes. Pour autant, Philippe Richert avoue lui-même qu’il envisage ce budget comme un “budget de transition”. Donc, l’on peut traduire cela comme une continuité des engagements pris par les élus précédents. C’est aussi sans doute la raison pour laquelle un audit n’était pas indispensable. Et d’autant moins indispensable que la majorité actuelle est formée d’un composite et le souci majeur du nouveau président s’oriente plutôt vers une recherche de cohésion que vers un combats inévitablement politique qui fracturera encore un peu plus les territoires.

Jean-Pierre COUR

23 millions d’euros pour les communes

Un plan de relance de 23 millions d’euros est aujourd’hui mis en place au bénéfice des communes de moins de 2 500 habitants, dans le cadre d’un Pacte pour la ruralité annoncé par Philippe Richert peu après son élection. Le Grand-Est reprend ainsi une mission traditionnelle des Départements, qui ont vocation à aider les communes dans leurs investissements mais dont les finances sont plombées par des dépenses en hausse et des compensations de l’État en baisse. Ce plan de relance devrait financer plus de 1 000 projets actuellement à l’arrêt faute de financement et mobiliser par effet de levier 120 millions de fonds publics pour 500 millions d’euros de travaux, selon les plans de l’exécutif. C’est la filière BTP qui va être contente de cet inespéré soutien, surtout si les leviers espérés se concrétisent effectivement.

Les commentaires sont fermés.