Réfugiés : en Lorraine aussi

28 janvier 2016

Problématique récurrente du XXIe siècle : l’accueil des réfugiés venant de zones de guerre. La Lorraine aussi tente de faire face.

Metz – C’est dans un centre aéré privé que des dizaines de migrants sont hébergés pendant l’hiver à Arry au sud de Metz. On en retrouve aussi au centre de Metz, près de la gare à la résidence des Lys, passage du Sablon, où une centaine de réfugiés sont accueillis. En fait, la ville de Metz prend en charge autour de 300 migrants. Certains n’hésitent pas à chiffrer le nombre de migrants à plus de 600 en Moselle. Mais les chiffres sont ici très incertains. Le turn-over est important. Certains arrivent, d’autres partent. Difficile de tenir une comptabilité. Le temps de séjour n’est souvent que de quelques mois. Ceci d’autant que certains se trouvent dans des tentes, en transit, sans toujours rencontrer des responsables sociaux. Cette mouvance incertaine enrichit, en fait, les passeurs ici essentiellement albanais. Une quarantaine d’associations se chargent de leur accueil sur la seule ville de Metz. Certains habitants ont même recueilli des familles, mais la cohabitation longue est une épreuve difficile dans le temps pour accueillants. Ainsi, les principales villes lorraines se sont engagées à accueillir les réfugiés que l’État voudra aiguiller dans la région. C’est ainsi que Thionville, Metz, Nancy et Épinal ont décidé d’unir leurs efforts en rejoignant le “réseau des villes solidaires”.

Salaud ou mauvais gestionnaire

La ville de Metz comme la Lorraine ou encore la France, tentent avec leurs moyens, de faire face. La chose est complexe d’autant que certains risques apparaissent : des passeurs viennent voir ces réfugiés et proposent leurs services. Globalement, le coût d’un passage de Syrie ou d’Irak vers l’Europe coûte en moyenne 7 000 euros. Pour passer en Angleterre depuis Metz, cela coûte encore 3 000 euros. Les associations d’accueils évaluent un profit de huit milliards pour les passeurs en France. Certains politiques tentent de trouver des solutions mais, de façon générale, la situation semble inextricable. Faire le tri entre la logique économique et la réponse humanitaire est une gageure. “Si l’on ne fait rien, on est un salaud ; et si l’on s’implique, on est un mauvais gestionnaire et on ne protège pas notre population !”, nous lâche un maire mosellan sous réserve d’anonymat. L’ambiguïté de ce dossier génère donc les non-dits.

Une Europe sur sa fin

Aujourd’hui, les accords de Schengen volent en éclat ; chaque pays mène sa propre politique sans coordination européenne réelle. En France, pas plus la gauche que la droite ne purent dans le passé faire face. Il arrive que les migrants soient même instrumentalisés par les “No Borders”, activistes violents nostalgiques des “black-blocks” qui veulent casser du bourgeois et du flic. Cela génère de la violence, comme à Calais. “Disperser les camps, c’est comme taper sur du mercure, l’on disperse un camp et il se reforme ailleurs”, explique désabusé un CRS engagé là-bas. Là encore, peu de parole publique. Il est très difficile d’obtenir des réponses précises des autorités, qu’elles soient locales ou nationales. Même les membres d’association ne veulent pas discuter avec la presse. Le sujet est trop chaud. S’ajoute encore à cela l’épuisement des bénévoles qui inquiète les associations.

Il est à remarquer que personne n’ose encore avancer l’idée que la douceur de vivre européenne est finie du fait de la mondialisation des conflits locaux. Schengen est mort de ne pas avoir été mis en place. Faute d’avoir appliqué la libre circulation intérieure et la sécurisation des frontières extérieures. Certains responsables de la sécurité avouent que dans le futur, : “Il faudra montrer ses papiers européens pour passer les frontières”.

Le futur, c’est l’expulsion ?

S’ajoute à cela des réactions violentes qui parfois s’installent aujourd’hui de part et d’autre. Et cette réaction s’étend aussi à la population française des villes. Pour donner une proportion, il y a 250 millions de déplacés dans le monde et face à cela l’on place 500 policiers à Calais. C’est à la fois énorme et dérisoire. L’immigration sera donc une question clé du XXIe siècle… comme aux prochaines élections présidentielles et tout semble fait pour attiser les populismes. Toutes les fautes et les erreurs semblent se concentrer sur ce dossier. Mais à ce jour à Metz, comme en Lorraine, pas de réactions de rejet. Cela doit tenir à la proportion du nombre de réfugiés. Un sociologue pourrait peut-être pointer le quota d’accueil possible face à une population donnée de migrants. Ce pourrait-être un point de départ. Pour l’instant, c’est le flou.

Et puis, rien n’est clair en termes de stratégie. L’on mélange ici les réfugiés politiques aux réfugiés économiques. Pauline, une jeune habitante d’Arry ou se trouve un centre regroupant une cinquantaine de Soudanais, rappelle : “Mes grands-parents furent accueillis dans le sud-ouest pendant la guerre ; nous ne pouvons faire autrement que faire pareil”. Sa voisine répond : “Cela n’a rien à voir. Pendant la guerre, c’était des Français qui accueillaient d’autres Français !”. Cet échange synthétise le débat. Ce que personne n’ose dire, pour l’instant mais qui semble inévitable, est qu’à un moment ou un autre, la France expulsera des réfugiés. Lesquels et comment ? C’est la question à laquelle devront répondre les femmes et les hommes politiques nationaux comme locaux.

Jean-Pierre Cour

Arry, commune d’accueil Les 51 réfugiés venus de ce que l’on surnomme “la jungle de Calais” sont arrivés le mardi 27 octobre 2015 dans la petite commune d’Arry au sud de Metz, générant une tension dans ce village de 550 habitants. De fait, une manifestation “d’identitaires” s’est faite face à un dispositif de gendarmerie. Les réfugiés sont descendus du bus qui les a transporté jusqu’en Lorraine, sous le regard de quelques villageois, aux avis divisés. Les réfugiés constituent un groupe composé uniquement d’hommes originaires du Soudan, où ils auraient fui la guerre. Le préfet de région de l’époque, Nacer Meddah, avait souhaité expliquer les choses aux habitants sans pour autant réussir à désamorcer les inquiétudes. Aujourd’hui, c’est le statu quo. Rien n’est réglé.

 photo ci-dessus : Le secours Populaire Français comme d’autres associations pallient les faiblesses de l’Etat et services sociaux vis-à-vis des réfugiés.

 

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