“Sublime”, stupeurs et tremblements du monde au Centre Pompidou/Metz

10 février 2016

La nouvelle exposition “Sublime”, au centre Pompidou de Metz, explore la fascination de l’homme pour les extravagances de notre planète. C’est à voir jusqu’au 5 septembre prochain.

Cette exposition débute dès le 5 février pour explorer, au centre Pompidou de Metz, le désordre fécond et tout à la fois dévastateur de notre monde. Son titre, “Sublime”, s’entend au sens du XVIIIe siècle. C’est-à-dire dans le sens d’étonnement, de fascination, d’effroi et, en même temps, d’admiration. Cette exposition expose l’ambivalente attraction qu’exerce sur nous la tourmente des éléments. Le centre Pompidou présente donc ici cette sorte de “passion mêlée de terreur et de surprise“, cristallisée par le philosophe Edmund Burke en 1757. En fait, “Sublime” exprime aussi ici ce mélange d’attraction et de répulsion éprouvé par l’homme face aux manifestations déchaînées de la nature ; ce sentiment de sidération, d’isolement, de toute puissance et d’effroi mêlée face à l’immensité d’éléments qui dépasse notre dimension humaine. Le Sublime, dont l’étymologie renvoie au superlatif latin “placé très haut”, étudie le vertige des altitudes extrêmes comme celui des profondeurs abyssales. Souvent d’ailleurs les lignes de crête et les fosses océaniques partagent les mêmes profils abrupts. Ainsi, l’océan démonté sous la tempête, les irruptions volcaniques, les escarpements immaculés et les vallées sombres deviennent au XVIIIe siècle les stéréotypes de ce “sublime” largement représenté au sein de la période romantique.

À travers près de trois cents œuvres, films et documents, complétés par les fonds de musées internationaux, l’exposition interroge de façon inédite, au sein d’une vingtaine de salles thématiques, le renouveau de cette notion de sublime dans un contexte contemporain. Ceci en rassemblant les œuvres d’une centaine d’artistes du monde entier, de Léonard de Vinci à Richard Misrach en passant par William Turner ou encore le cinéaste Lars von Trier.

Trop loin, trop fort, trop tout

L’exposition révèle aussi la persistance de notre fascination pour cette nature qui va “trop loin”, selon l’expression de Victor Hugo. Ces mouvements naturels qui vont au-delà de l’humain, de sa compréhension, de son entendement. Cette exposition nous propose donc aussi notre propre position vis-à-vis des débordements du monde, nous faisant alors prendre conscience de notre rôle d’acteur et, par conséquent, de l’idée même de catastrophe par nous générée. Les catastrophes récentes telles que les tsunamis, les cyclones, ou les séismes, amplifient par leur impact sur des sites urbains ou industriels, notre vision. Ils aiguisent chez nous la conscience d’un équilibre fragile, d’une maîtrise toute relative de l’environnement par l’homme liée par l’effet de ses activités sur la nature.

Ces évènements qui vont “trop loin” nous donnent aussi ce sentiment d’urgence paralysante face à cette nature surpuissante. Cela, surtout depuis Tchernobyl, Katrina, Fukushima, où nous nous sommes mis à nu, acteurs partiels, face aux désastres à venir. Mais l’exposition détaille aussi le ré-enchantement possible de cette nature au travers d’une conscience écologique générant, elle-même, un nouveau romantisme par le biais de ces monstruosités inspirantes.

Jean-Pierre COUR

 

Cette installation de Tadashi Kawamata est à la fois une réminiscence des catastrophes qui ont durement touché le Japon en mars 2011 et un hommage aux disparus. © JP Cour.

 

Under the wather

L’exposition se complète de deux gestes artistiques qui parachèvent et renforcent l’exposition “Sublime”. L’artiste Tadashi Kawamata présente l’une de ses œuvres magistrales, “Under the Water”, à l’échelle d’une des galeries du Centre Pompidou-Metz. Une vague scélérate semble s’être abattue dans le hall et la “galerie 2” du Centre Pompidou-Metz, charriant avec elle portes, fenêtres, chaises, fauteuils, tiroirs et tout élément se trouvant sur sa trajectoire. Cette puissante et ondulante lame de bois disparate et dense, suspendue au-dessus des têtes, crée un moment de sidération, saisissant le visiteur par sa dimension physique, spectaculaire et menaçante.

 

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